Nadia Geerts crache dans la main tendue des féministes musulmanes, voilées ou non voilées
Nadia
Geerts se laisse aller suite à la publication dans La Libre d’un texte intitulé « Voilées
et féministes », dans lequel des féministes musulmanes voilées et non voilées
appellent, selon Nadia Geerts elle-même, à « se rencontrer pour que nous fassions enfin société ensemble ».
Dans le
climat de tension extrême que nous connaissons actuellement, nous pourrions
raisonnablement nous attendre à ce que les féministes, ne seraient-ce qu’elles,
fassent un effort pour entendre les appels à la rencontre et plus si affinités.
Mais
derechef Nadia Geerts décline la proposition au nom de sa définition du
féminisme : « Nous sommes dans
un pays libre. Mais alors, nos chemins se séparent ici. Votre féminisme n’est
pas et ne sera jamais le mien ».
Quelle est
donc cette fameuse définition du féminisme qui le rend incompatible avec la
fréquentation de féministes musulmanes ?
Pour Nadia
Geerts, « pas question de lui
interdire de conduire un dix-huit tonnes, de jouer au football, de devenir
policière, mécanicienne auto ou tout autre métier qu’il lui plaira de faire ».
Personnellement, cette définition du féminisme en matière professionnelle me
semble assez limitée, vu que l’inverse n’est même pas mentionné (par exemple,
voir plus d’hommes épouser des carrières traditionnellement réservées aux
femmes, comme puériculteurs, hommes de ménage, monsieur pipi, pour n’en citer
que quelques-unes). Mais soit. Il conviendrait alors au moins de démontrer que
le port du voile rend ces professions inaccessibles aux femmes voilées. Comme
une image peut avoir plus de poids qu’un long discours, j’ai créé ce petit
montage-photos.
Nadia Geerts ne prend pas la peine de faire la démonstration et elle a bien raison
car il est impossible de démontrer que port du voile et accès à des occupations
traditionnellement masculines sont incompatibles. La première femme de ce
montage « s’appelle Alima Ndiaye,
une femme née le 14 septembre 1972 à Pikine. Elle exerce le dur métier de
mécanicienne depuis 2003, un métier « viril », dévolu pendant longtemps aux
hommes. Aujourd’hui, elle est la présidente des mécaniciens et mécaniciennes du
Sénégal. Alima n’est pas la première femme, dans sa famille, à exercer ce
métier. Sa tante était mécanicienne d’avion et son père mécanicien automobile ».
Elle s’adresse régulièrement à la communauté musulmane de son pays pour les
encourager à faire réviser leur automobile afin de limiter les accidents de la
route[1].
Elle a été mise à l’honneur dans son pays lors de la journée internationale de
la femme le 8 mars.
La dernière
femme du montage est pakistanaise. « C'est
la nécessité qui a poussé Shamim Akhter, une mère divorcée de 53 ans, à devenir
la première conductrice de « truck », ces poids-lourds brinquebalants ornés
d'exubérants motifs qui font partie du folklore pakistanais. Abandonnée par son
mari après la naissance de cinq enfants, Shamim Akhter s'est échinée à faire
vivre sa famille de petits boulots pendant des années, avant de conduire des
camions et d'entrer ainsi dans l'histoire. Elle travaille depuis, de nuit comme
de jour, avec des collègues masculins pour transporter des briques dans la
capitale Islamabad »[2].
C’est le très conservateur « Figaro » qui a choisi d’en parler.
Pour ce qui
est des footballeuses (mais on pourrait parler des rugbywomen, des boxeuses ou
de bien d’autres sportives), la Fédération internationale de football (FIFA) a
annoncé le 3 mars 2014 l'autorisation du port du voile ou du turban. Il faut
croire que tellement de femmes portant le voile pratiquent le football qu’il
devenait totalement impossible de nier le phénomène.
Quant aux
femmes policières britanniques, il faut ne jamais avoir mis un pied à Londres
pour ne pas savoir que plein de policières y portent le foulard en uniforme. J’ai
moi-même été contrôlée au sortir de la Grande-Bretagne par une policière en
foulard, qui m’a traitée de façon totalement égale par rapport à mon amie
Farida, portant le foulard, qui m’accompagnait. Je ne peux pas en dire autant
du digne représentant de la France républicaine qui, au passage de la frontière
française avant de reprendre l’Eurostar, n’a pas contrôlé mon identité sur l’ordinateur,
alors qu’il l’a longuement fait pour Farida et son fils. Comme quoi on peut
porter le foulard comme policière et respecter l’égalité et la déontologie
professionnelle et représenter le drapeau français et pratiquer la
discrimination. Mais je m’éloigne… ou si peu.
Nadia
Geerts, après avoir rappelé « sa » définition du féminisme sans
apporter aucune preuve de son incompatibilité avec le port du voile, après
avoir répété ses arguments habituels contre celui-ci, s’en prend alors
violemment à ces femmes signataires (dont, rappelons-le, certaines portent le
voile, d’autres pas) en déclarant ceci : « Je ne vous mets pas dans le même sac que des assassins, contrairement à
ce que vous prétendez que « nous » pensons. En revanche, je pense que vous
pratiquez un fascinant aveuglement volontaire sur ce qu’est le voile islamique
aujourd’hui. Je ne mets nullement en doute le fait que celles d’entre vous qui
en sont venues à porter le voile y sont arrivées par des chemins variés. Mais
je pense que vous contribuez, par votre positionnement en tant que « voilées et
féministes » à servir un projet politique qui, très certainement, vous dépasse ».
Si on
comprend bien ce que dit Nadia Geerts, ces femmes ne sont pas des assassins
(merci à elle !) mais elles contribuent, par la simple défense du droit de
porter le voile, au projet politique de ceux-ci. Et qui plus est, ces femmes
sont totalement incapables d’analyser un projet politique. Je ne vois pas d’autres
façons de comprendre son message et il est scandaleux. C’est ce que Raphaël
Liogier appelle l’interprétation
délirante des apparences[3].
Les
signataires du texte de la Libre tendaient la main pour une rencontre et une
discussion, précisément, des projets politiques : « Ne nous contraignez pas au repli
communautaire, devenons des alliés (…) Nous voulons vraiment faire société
ensemble, avec nos ressemblances et nos différences. Chiche ? »[4]. C’est au nom d’un féminisme très limité
que Nadia Geerts leur répond : pari perdu !
Pour ma
part, je relève le « Chiche ? ».
Et je suis convaincue qu’il est parfaitement possible de débattre, toutes ensemble,
du droit des femmes à ne pas porter le foulard, de la nécessité de soutenir
celles qui mènent ce combat dans les sociétés qui les y contraignent, de la
meilleure façon de faire échec aux intégrismes de toutes sortes, y compris
celui de la finance, du néo-libéralisme et de la volonté coloniale d’imposer « notre »
civilisation à la totalité de la planète.
[1] http://www.sen24heures.com/?Special-8-mars-Elle-c-est-la
[2] http://madame.lefigaro.fr/societe/pakistan-nouvelle-generation-de-conductrices-camion-110116-111670
[3] Raphaël Liogier, Le mythe de l’islamisation,
Essai sur une obsession collective, Éditions du Seuil, Paris, 2016 page 113
[4] http://www.lalibre.be/debats/opinions/citoyennes-feministes-et-musulmanes-57dabba635704b54e6c338cc
A mon tour de vous dire : merci, Nadine ! Il semble bien que pour Nadia Geerts la seule manière d'être féministe serait d'être .....un homme comme les autres et de refuser la main tendue d'autres femmes, différentes. Bonjour la tolérance ! Je suis tout simplement consternée
RépondreSupprimerSoizic
bravo Nadine et merci pour toutes les femmes et prète à relever également le défi du "chiche"!
RépondreSupprimerLe voile est le symbole de l'islam le plus rétrograde. Vous vous rendez compte de l'idéologie qu'il incarne ??? Les non-voilées sont "des putes" qu'on peut agresser et les hommes sont tous des violeurs en puissance qui ne peuvent se contrôler ? Parler de "féminisme islamique" 'est une gifle envers toutes les femmes qui luttent pour la liberté de ne PAS porter ce sacré voile dans nombre de pays musulmans !
RépondreSupprimerMerci
SupprimerMalgré toutes les contorsions intellectuelles et la cuisine émotive, féminisme et Islam (quand on sait qu'il a sa propre loi, la charia) ne sont non seulement pas compatibles mais même antinomiques. Et le racisme condescendant de ces féministes tout court qui soutiennent les "féministes musulmanes" est insupportable.
RépondreSupprimerExcellent article!
RépondreSupprimerNadia Geerts me paraît prolonger le colonialisme et l'impudente prétention à dire le vrai pour autrui. Une prétention à vrai dire de type religieux. La gestion française de la question du foulard est étriquée et pour tout dire coincée. Un peu moins de certitudes bornées élargirait l'horizon et nous donnerait de l'air! La laïcité systématisée et professionnalisée étouffe à la manière des religions.
Guy Leboutte
http://condrozbelge.com/
Merci pour ces réflexions pleines de bon sens, Nadine !
RépondreSupprimerEn espèrant que votre texte sera autant relayé que celui de Nadia Geerts.
Merci à toi, merci à vous et ne vous gênez pas pour relayer!
SupprimerBravo Madame Rosa-Rosso. Mme Geerts est une 'intégriste' du féminisme qui n'a pas encore compris que dans nos sociétés culturellement diversifiées, les féminismes doivent se rejoindre plutôt que de s'isoler.
RépondreSupprimerMerci pour cette bouffée d'oxygène, si précieuse dans la pollution ambiante :-)
RépondreSupprimerC'est exactement ce que j'essaie : donner de l'oxygène. Même si on ne peut pas faire beaucoup plus en ces moments difficiles, ça aide à respirer!
RépondreSupprimerCommentaire de Ouardia Derriche :
RépondreSupprimerJ'ajouterais à ton commentaire les considérations suivantes:
Quoique philosophe, Nadia Geerts semble ignorer la notion de complexité car pour elle, ce que signifierait le port du foulard dans les pays musulmans non démocratiques ne peut que signifier la même chose sous nos cieux démocratiques.
Je suis toujours choquée par le mépris probablement inconscient dont elle fait preuve à l'égard des femmes musulmanes dont elle ne semble pas pouvoir imaginer qu'elles puissent être autre chose que les courroies de transmission passives de projets "qui les dépassent". Qu'elles puissent avoir des objectifs personnels voire qu'elles aient le projet de subvertir quoi que ce soit semble de l'ordre de l'impensable pour elle.
Enfin, son injonction "paternaliste" proprement néocoloniale à reproduire servilement SA définition dogmatique et momifiée du féminisme fait l'impasse sur toutes les féministes qui travaillent à reformuler le projet féministe global à la lumière des expériences et des apports théoriques des féministes du monde entier (Black féministes et féministes musulmanes entre autres).
Commentaire de Anne Tonglet , lesbienne radicale ,féministe ,laïque etc...
RépondreSupprimerEt bien , je continue à soutenir la réponse de Nadia Geert ...Pour moi , le fait de porter le voile ici est une lamentable "mode" qui est apparue depuis les années 9O ,suite au début des influences très néfastes et mensongères des imams formés par un sunnisme rétrograde et mortifère ainsi qu'une très grave influence du Wahabisme en Europe , avec la bénédiction de certains partis et politiciens juste intéressé par ...la récupération politicienne électoraliste ( de gauche comme de droite!) Cela fait une 15zaine d'années que le recouvrement des femmes et de plus en plus jeunes !! s'accentuent comme un poison insidieux dans nos démocraties ,certes encore très machistes et patriarcales, misogynes et injustes pour les femmes , toutes les femmes , mais à cela s'ajoute un cheval de Troie terriblement bien organisé , l' extrémisme religieux ( cathos, islamiste, juif etc...plus de "nouvelles religions ,toutes "crées par ...des mâles !!!) . Voir autant proliférer des voiles même colorés ,me rend malade et triste . C'est comme si je voyais des signaux S.S ç-à-dire faschistes . La charia impsée ,c'est du faschisme , la burka aussi , les vêtements idem ,etc .l'égorgement des personnes et des animaux aussi .etc.
Aucune religion n'a jamais LIBERE aucune femme de sa condition d'esclave du patriarcat , de gauche comme de droite .
Je ne pourrai jamais-lutter avec ou défendre une femme nazie, d'extrême droite ,ou égorgeuse au nom de quelque religion ou idéologie mortifère ,inhumaine totalitaire, élitiste, raciste ,ultra-capitaliste ,colonialiste par prosélytisme .
Celles qui veulent choisir ce camp-là ,qu'elles le fassent . Je ne peux pas quant à moi ,être d'accord avec ce conservatisme bien pensant et condescendant .
Un Seul Mot : Merci !
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