25 ans après la révolte des jeunes à Forest Première, deuxième, troisième génération, toujours la répression…
Le 10 mai 1991 éclatait à Forest, en Belgique,
la première révolte de jeunes issus de l’immigration. Suite à un énième
contrôle au faciès par des policiers communaux, le quartier s’enflammait. La
révolte dura trois jours, elle s’étendit un peu aux communes avoisinantes,
Saint-Gilles, Anderlecht… Elle ne prit jamais l’ampleur des révoltes que la
France connaîtra régulièrement et, spectaculairement, en novembre 2005. Et
pourtant, elles ont marqué définitivement la politique nationale et communale,
et même la politique tout court, à l’égard des jeunes des quartiers populaires
de Bruxelles. Vingt-cinq ans plus tard, la réponse des gouvernants de l’époque
à la révolte des jeunes Bruxellois permet certainement d’éclairer les raisons
du mal-être d’une partie de plus en plus grande de notre jeunesse. Y compris de
ceux qui ont tenté de mettre fin à ce mal-être en entamant le grand voyage vers
la Syrie et, pour certains d’entre eux, vers le terrorisme. Car la seule réponse aux demandes de la
jeunesse qui a été la mise en place, ce sont les contrats de sécurité. Aux
jeunes qui revendiquaient l’arrêt des contrôles policiers au faciès, la fin des
arrestations arbitraires, la reconnaissance d’un statut de citoyen à part
entière, tous les partis politiques répondirent par le renforcement du
dispositif policier et l’intégration de toutes les politiques de terrain dans
ce dispositif.
Contrats
de sécurité et de prévention
Le Forum Belge pour la Prévention et la
Sécurité Urbaine retrace l’historique des contrats de sécurité de la manière
suivante : « Pour rappel, suite
aux événements dramatiques des années 1980 (agressions attribuées aux "
Tueurs du Brabant ", attentats commis par les Cellules communistes
combattantes, drame du Heysel et émeutes de Forest), face à l’augmentation
conjointe de l’insécurité et du sentiment d’insécurité, le gouvernement s’est
engagé le 9 mars 1992 à développer une politique contractuelle associant
l’État, les Régions et les Communes, soit à développer les premiers contrats de
sécurité. Cet accord gouvernemental a prévu, en outre, la constitution d’une
structure permanente détenant des compétences en matière de prévention : le
Secrétariat permanent à la Politique de Prévention »[1].
Il est utile de revenir sur l’énumération des faits dramatiques.
Les meurtres de la Bande de Nivelles |
En deux vagues s’étalant de 1982 à 1985, les
tueurs du Brabant, appelés également les tueurs fous et la Bande de Nivelles,
ont perpétré une série d’attaques à main armée visant des supermarchés. Elles
avaient été précédées d’attaques dans des armureries. Ces attaques ont fait 28
morts, dont des enfants, et 22 blessés ; les faits se sont produits dans une dizaine d’endroits différents en Belgique.
Les tueurs n’ont jamais été retrouvés. Beaucoup d’hypothèses ont été émises,
dont celle de l’extrême droite, mais n’ont jamais été validées par la justice.
Les Cellules Communistes Combattantes sont
quant à elles un groupe clairement politique, se revendiquant de l’idéologie
marxiste-léniniste. Elles sont fondées en 1983 et commettent une série
d’attentats violents, jusqu’à l’arrestation de leurs membres en 1985. Les
cibles des attentats sont militaires, en particulier les installations de
l’OTAN. Pour les CCC, il s’agit d’appliquer la politique de la « propagande armée ». La dernière
opération des CCC, le 1er mai 1985, vise le siège du patronat belge,
à Bruxelles, mais elle tourne mal : deux pompiers appelés sur place sont
tués par l’explosion de la camionnette placée par les CCC. Celles-ci
affirmeront n’avoir jamais voulu tuer personne et accuseront la gendarmerie de
manipulations de la communication.
Le drame du Heyzel est certainement le plus
meurtrier des événements violents des années quatre-vingt. Le 29 mai 1985 à
Bruxelles a lieu la finale de Coupe d'Europe des clubs champions 1984-1985
entre Liverpool et la Juventus. Suite à des poussées des supporters, des
grilles de séparation et un muret s'effondrent. Le match se transforme en
tragédie : 39 morts et plus de 454 blessés.
La décennie quatre-vingt a donc été particulièrement violente : au total, 69 morts et près de 500 blessés.
Prenons maintenant le bilan de la révolte des
jeunes de Forest : en mars 1993, trois jeunes hommes comparaissent pour
les délits constatés au cours des émeutes. « Le ministère public les poursuit à des titres divers pour avoir
méchamment entravé la circulation, avoir tenté de bouter le feu à des voitures
de police et de gendarmerie ou encore pour avoir agressé un policier et trois
gendarmes »[2].
Jets de cocktails Molotov vers les policiers et les gendarmes, faits reconnus
par les inculpés, mais du côté des dégâts : pas de morts, pas de blessés
graves, pas de destructions …
La première chose qui choque est que tous ces
événements sont mis sur le même pied… alors que ceux de Forest ne comportent
aucun caractère meurtrier, à la différence des autres.
Et pourtant, ce sont bel et bien les révoltes
de Forest qui vont être l’élément décisif pour la mise en place des contrats de
sécurité. Car cette révolte a été traitée, dès le début, comme un acte
criminel et c’est toute la population du quartier qui l’a vécue comme
telle : « Dans les quatre cafés qui
bordent le parvis, les conversations vont bon train. On raconte avec mille et
un détails les fouilles, les menottes, les transferts vers les écuries
(nettoyées) de la gendarmerie, les photos anthropométriques, les prises
d'empreintes, les questions parfois indiscrètes sur l'état de leurs dents ou sur
leur santé »[3].
« Quinze arrestations
administratives vendredi soir, quatre samedi, 204 dimanche. Des jeunes et des
moins jeunes ont été fouillés et menottés. Ils ont passé la nuit dans les
anciennes écuries de la gendarmerie avant d'être relâchés par petits paquets
hier »[4].
Quelqu’un s’est-il soucié par la suite de ce que sont devenus ces jeunes et ces
moins jeunes maltraités de la sorte ?
Même si le projet des contrats de sécurité
était déjà dans les cartons en novembre
1990, il n’y a aucun doute sur le fait que leur mise en place a été décidée
suite à Forest : « Le point de
départ a été les émeutes dans les communes de Saint-Gilles et de Forest en 1991
qui témoignaient d'un mal-être chez certaines populations fragilisées »[5].
Tous les bilans communaux, toutes les études de sociologie ou de criminologie
en font état. Les contrats de sécurité sont définis dans le cadre de la
prévention de la criminalité. Et
c’est là que les responsables politiques ont donné un signe extrêmement fort à
toute la population. Les Tueurs Fous du Brabant, les Cellules Communistes
Combattantes, les hooligans à l’origine des poussées mortelles au
Heyzel avec leurs 69 morts et leurs 700 blessés n’ont pas été suffisants
pour mettre en place des actions contre la criminalité. Mais la révolte de
jeunes demandant l’égalité des droits et le respect, qui n’ont tué ni blessé
personne, oui !
La une du journal flamand De Morgen |
Et, comme il fallait s’y attendre, le résultat de ce
message fort lancé à la population, et par la même occasion aux électeurs, ne
s’est pas fait attendre : le 24 novembre 1991, l’extrême droite faisait sa
première percée spectaculaire en Belgique, récoltant sur l’ensemble du pays,
tous partis et groupuscules confondus, 479.917 voix. Un dimanche
« noir », peut-être, mais un dimanche prévisible, résultat de politiques
introduites, non par la NVA mais bien par les partis classiques, socialistes en
tête.
"Une nouvelle sorte de prolétariat"
C’est en effet Louis Tobback, alors ministre
SP de l’Intérieur qui lance officiellement les contrats de sécurité et de
prévention en mars 1992. C’est un libéral bon teint, Jacques Simonet, alors
président de la Région Bruxelloise, qui rappelle qu’« un contrat de sécurité doit s'articuler autour d'un double objectif.
Assurer une plus grande présence visible des forces de l'ordre, via le
recrutement de policiers et de civils qui libèrent les forces de l'ordre des
contraintes administratives. Et, en ce qui concerne la prévention, répondre au
manque d'offre d'encadrement de certains jeunes «candidats délinquants »[6].
Le message à la jeunesse est clair : il faut l’encadrer car elle recèle de
futurs délinquants. Son père, Henri Simonet, socialiste lui, a bien éduqué son
fils. Comme bourgmestre PS d’Anderlecht, il déclarait, lors d’une séance du
conseil communal en mai 1982 : « Comme
chef de la police d’Anderlecht, je dois assumer mes responsabilités. Pour
résoudre le problème des étrangers, il est nécessaire de réfléchir et
d’utiliser la répression, surtout contre les étrangers de la seconde
génération, qui constituent une nouvelle sorte de prolétariat. La sécurité des
Anderlechtois doit tout de même être garantie »[7].
Non, ce n’est ni Bart De Wever, ni Jan Jambon qui s’expriment ainsi, mais bien
un bourgmestre socialiste des années quatre-vingt. D’ailleurs, pour ce qui est
des ministres de l’Intérieur et afin de ne pas oublier les sociaux-chrétiens,
déjà en 1987, Joseph Michel (PSC), alors ministre de l’Intérieur, « parlait ainsi des immigrés «non CEE»
dans une interview : «Je ne puis les qualifier autrement que de barbares... Ils
n'ont rien de commun avec notre civilisation.»[8]
C’est encore une socialiste, Magda De Galan,
alors bourgmestre de Forest qui lance un message complémentaire à cette même
jeunesse : « Magda de Galan,
bourgmestre de Forest ne comprend visiblement pas ce qui lui arrive. Pourquoi à
Forest, pourquoi des incidents aussi durs et répétés. Mais elle n'entend pas
non plus céder au seul réflexe de la répression. Nous avons reçu le consul du
Maroc et dès demain, les autorités marocaines vont tenter d'ouvrir un dialogue
positif avec les associations de commerçants, avec les gens du quartier,
a-t-elle expliqué, dimanche soir, à l'issue d'un entretien avec des
représentants du Maroc »[9].
Les jeunes Forestois, même si la plupart sont nés ici et se revendiquent comme
membres à part entière de la société belge, sont renvoyés au statut de
Marocains. La bourgmestre ne « comprend
pas ce qui arrive » et délègue sa responsabilité politique aux …
autorités marocaines ! Rappelons qu’à l’époque, le Maroc vit toujours sous
la férule d’Hassan II, un grand spécialiste en matière de traitement de la
jeunesse révoltée. Sept ans auparavant, le régime avait maté la révolte des
jeunes de Nador à coups de balles réelles, faisant 16 morts. Pour justifier
cette intervention musclée, Hassan II avait traité les jeunes de « déchets
de la société » (awbach), ce qui
n’a naturellement pas entaché les excellentes relations de la Belgique avec le
régime marocain. Quand l’actuel ministre de l’Intérieur, Jambon, propose de
faire appel aux polices marocaines pour mettre de l’ordre dans les quartiers,
il ne fait que poursuivre sur la lancée d’une bourgmestre … socialiste. Car,
selon le ministre, « nos agents ne
savent pas toujours bien comment réagir lors d’interventions dans certains
quartiers »[10].
Cela n’a rien d’étonnant, puisque rien n’a été changé dans la police depuis 25
ans alors que les jeunes de Forest demandaient tout simplement le respect de la
part des forces de l’ordre. Mais qui de nos dirigeants a jamais attaché la
moindre attention aux demandes concrètes des révoltés ?
On ne peut conclure cette esquisse de
l’ambiance en 1991, sans rappeler que cette année noire a commencé par la
première guerre du Golfe, elle-même précédée dès août 1990 d’un embargo
meurtrier contre l’Irak. Cette première guerre consécutive à la disparition de
la « menace soviétique » a
inauguré une guerre ininterrompue contre les pays du Golfe et le monde
arabo-musulman en général. Dès le début, elle a, à juste titre, mobilisé la
jeunesse des quartiers qui ont rejoint les manifestations anti-guerre. Cette
participation au combat anti-impérialiste a été immédiatement visée par la
répression. Le 3 septembre 1990, Charles
Picqué, PS, alors ministre-président de la Région bruxelloise adresse une
lettre à son compère politique, Valmy Féaux, ministre-président de la
Communauté française, pour lui demander une intervention contre les radios
arabes libres. Il la justifie en ces termes : «
Insidieusement, des appels à une
nécessaire mobilisation des masses arabo-musulmanes contre l’impérialisme
américain et occidental risquent de précipiter dans les rues bruxelloises des
populations maghrébines abusées par des manipulations extrémistes et
irresponsables. Le souvenir de la manifestation d’avril 1986, qui a suivi le
bombardement américain de tripoli reste vivace et les conséquences d’une
pareille manifestation seraient néfastes, et surtout pour les populations
d’origine maghrébine » [11].
C’est le premier signe clair que dorénavant
les populations maghrébines seront suspectes, non plus seulement à cause de
leur provenance étrangère, mais aussi à cause de leur religion et de leurs
positions anti-impérialistes et anti-américaines. Il insiste un an plus
tard : « Dans sa lettre
adressée à Bernard ANSELME à propos des radios de la Fréquence arabe (cf.
communiqué de presse du 23/10/1992), Charles PICQUE se plaint de ce que les
émissions diffusées par celles-ci ne répondent pas à "la volonté de
l'exécutif bruxellois »[12].
En refusant aux « masses arabo-musulmanes »
un droit qu’on accorde aux autres, celui de protester contre une politique
jugée injuste, le socialiste Picqué enferme les travailleurs immigrés et leurs
enfants dans le statut qu’on leur destine depuis leur arrivée : « Travaille et tais-toi, tu n’es pas chez
toi ! ».
Les
contrats de sécurité, la nouvelle pompe à fric des « acteurs de
terrain »
Les contrats de sécurité, devenus par la suite
contrats de sécurité et de prévention en 2002, vont petit à petit absorber
toute la politique envers la jeunesse : ils ont en effet pour objectif
« une meilleure intégration des
groupes cibles, via des projets tels que : Service de prévention de l’agression
et sensibilisation à la plainte, Travail de rue, Animations socio-sportives ou
culturelles, Maison de quartier, Maison de jeunes, Fan coaching, Prévention
dans les écoles, Actions de prévention à l’égard des personnes âgées,
Prostitution, Permanences psycho-sociales à destination des jeunes et des
familles, Professions à risques, Service juridique de 1ère ligne, Lutte contre
le décrochage scolaire via la médiation scolaire communale ». La lutte
contre la toxicomanie en est un autre. Ce qui signifie que toute la politique envers la jeunesse doit être considérée comme
une politique de prévention de la criminalité. Vous voulez un subside ?
Expliquez que vous êtes capable de prévenir la criminalité dans la jeunesse par
l’organisation de vos activités. Et naturellement travaillez dans une commune avec
« un haut taux de criminalité » car « sont retenues, les communes qui ont les taux de criminalité par
habitant les plus élevés. Il n’a pas été tenu compte ici de tous les types de
criminalité, seuls les chiffres relatifs aux vols de voitures, aux autres vols
(à l’exclusion des vols de vélos), le vandalisme, les coups et blessures en
dehors de la sphère familiale ont été déterminants »[13].
Naturellement, on n’a pas tenu compte de « tous les types de criminalité », comme la criminalité en col
blanc et les contrats ne visent pas non plus tous les profils
socio-économiques : « Sont
reprises au sein du dispositif des contrats de sécurité, les communes qui ont
les revenus moyens par habitant, les plus faibles, qui ont une population
excédant 10 000 habitants, et qui connaissent des problèmes de criminalité sans
être celles qui ont les taux de criminalité les plus élevés ».
Le croissant pauvre
Or les
communes avec les revenus les plus faibles en Région bruxelloise, sont aussi
les communes où la part de la population issue des diverses immigrations est la
plus grande. La concentration des plus pauvres ? La concentration du chômage ?
La plus haute densité de population ? Le plus faible niveau de scolarisation ?
La population la plus jeune ? Les populations d’origine marocaine et turque ? À
toutes ces questions, une seule réponse : le croissant pauvre, soit les
communes où ont éclaté les révoltes de 1991 et où se sont produites toutes les
révoltes depuis en région bruxelloise. On pourrait ajouter que le risque de tomber sous le seuil de pauvreté
s’élève à 12% pour les Belges, à 22% pour les Européens du sud, à 33% pour les
Turcs et à 54% pour les Marocains .On pourrait y ajouter que l’espérance de vie
d’un enfant né dans le croissant est de 76 ans, alors qu’un enfant né à
Boitsfort ou Woluwé en reçoit cinq de plus ! Il s’agit de la même différence
que celle qui existe entre un enfant né en Belgique ou au Mexique, comme le
constate Plouf ![14].
Après les contrats de sécurité, les plans pour la déradicalisation
Plouf ! est une revue qui se définit comme « Un pavé dans le canal ». Et nous voilà tout naturellement
amenés au « Plan canal contre l’islamisme et la radicalisation » cher à Jan Jambon. Vingt-cinq ans après la
révolte de Forest, voici qu’à nouveau les mêmes communes, encore et
encore !, sont ciblées par l’intervention policière : « Le Plan Canal, initialement prévu pour la
seule commune de Molenbeek-Saint-Jean, a été étendu à sept autres communes
(Bruxelles-Ville, Koekelberg, Schaerbeek, Saint-Josse-ten-Noode, Anderlecht,
Saint-Gilles, Vilvorde) englobant cinq zones de police. La police locale sera
notamment chargée d’assurer le suivi des mosquées et des salles de prière mais
aussi de repérer les immeubles subdivisés en unités locatives non
réglementaires. Les agents seront formés au suivi des personnes radicalisées.
Cette opération, qui nécessite l’engagement de nouveaux policiers, aura un coût
estimé à 15 millions d’euros, mais l’addition pourrait encore augmenter »[15].
À nouveau plus d’argent pour la répression et
le contrôle. Les policiers peuvent dorénavant visiter les domiciles sans mandat
de perquisition, comme nous le montrait récemment un reportage télévisé de la
RTBf : « Grâce aux 400 millions
d’euros du plan contre le radicalisme, une cinquantaine de policiers sont
temporairement mis à disposition de la zone de police de Bruxelles Ouest. Parmi
leurs nombreuses missions, celle d’effectuer des visites domiciliaires à
Molenbeek. Menées par les agents de quartier, ces visites sont issues d’un
nouveau règlement qui va systématiser les enquêtes de voisinage pour chaque
nouvel arrivant dans la commune. L’objectif est donc d’aider la police à mieux
identifier les nouveaux habitants. Et ce, sans mandat »[16].
Nos dirigeants sont plus que jamais incapables
de résoudre toute question sociale et politique autrement que par toujours plus
de guerre, toujours plus de répression. Ceux qui protestent aujourd’hui, même
faiblement, contre les déclarations de Bart De Wever ou de Jan Jambon oublient
qu’ils ont pavé la voie à ces politiques en niant systématiquement, depuis un
quart de siècle, les aspirations légitimes d’une partie importante de notre
jeunesse populaire et de leurs familles et en répondant à toute revendication
sociale et politique par la répression et le tout sécuritaire.
Tout le monde est « stupéfait » que
des jeunes, maintenant souvent de la troisième génération, ne trouvent pas leur
place dans cette société et en arrivent aux actes les plus extrêmes et les plus
condamnables. Il ne s’agit pas d’analyser « le parcours individuel », « les conditions socio-économiques » et encore moins « le contexte familial » de ces
jeunes pour faire face à la radicalisation. Il s’agit de mettre un terme à la
radicalité des politiques de nos gouvernants, à leur aveuglement policier et
guerrier.
Je partage votre analyse à deux éléments prêts à savoir que le quartier dont il est question ne compte à notre connaissance aucun jeune parti en Syrie. D'autre part les difficultés restent énormes mais de là à dire qu'en 25 ans "rien n'a changé" me semble quand même fortement exagéré. Un Forestois du quartier Saint-Antoine.
RépondreSupprimerMerci pour votre commentaire. Quand je parle des jeunes partis en Syrie je parle de l'atmosphère générale à l'égard des jeunes des quartiers populaires de la capitale car comme je le dis dans l'introduction la réaction des politiques à Forest a eu un impact global sur les jeunes.
RépondreSupprimerSur ce qui a changé. Il y a certainement eu de bonnes initiatives (personnellement dans votre quartier je connais Silvio Mara et son initiative QSR) Mais sur le racisme à l'égard des jeunes je trouve que c'est pire qu'avant. J'ai 62 ans je pense avoir participé à tous les combats antiracistes depuis 45 ans et je trouve que d'une part le racisme a augmenté mais d'autre part que l'antiracisme à diminué.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie de m'avoir fait part de vos remarques et toujours prête à en discuter de vive voix. ..
Bien cordialement
Très belle analyse. Je ne peux, hélas, que confirmer et le phénomène dépasse Bruxelles et aussi la Belgique. Je milite depuis 22 ans l'éducation et la prévention mesurée en matière de sécurité routière et d'éducation citoyenne. Fonctionnaire, je ne suis pas parvenu avec nos gouvernements trop absorbés par leur pouvoir. J'ai même été piégé par ma hiérarchie. Mon aboutissement depuis ma retraite en 2014: Les Compagnons de la Stopi Génération. Voir aussi mon site www.iappe.org. Même avec un prix européen, je me bats contre des moulins. Mon atout : "Je le sais, je n'ai rien à perdre et je possède le pouvoir de l'image". Un gouverneur provincial m'a dit un jour: "Vous ne trouvez pas, M. Bagérius, que pour l'éducation, c'est trop tard. Ne vaut-il pas mieux exercer plus de répression ???". Je lui ai répondu : "il ne sert à rien de battre un chien s'il n'a pas compris qu'il s'est mal comporté". Il n'est jamais trop tard pour commencer. Nous devons penser à reconstruire l'éducation recadrée dans la cohérence. Nous aurons dès lors besoin de moins de répression et nous gagnerions sur nos finances. La violence attire la violence et la violence affecte notre santé et notre bien-être. Merci pour votre combat.
RépondreSupprimerUne analyse claire et construite avec des citations et des données stupéfiantes, qui invite à élargir et réviser le discours sur la 'déradicalisation'. Merci!
RépondreSupprimerAnalyse éclairante à pas mal d'égards ... morceaux choisis :-)
RépondreSupprimerOù le PS, PSC, SPa n'ont franchement rien à envier à nos actuels Jambon, Franken, Dewever, Reynders, Destexhe ou autres émoticône frown
Comme quoi la gauche comme la droite ne sont en fait que les deux faces d'un même pouvoir.
"La première chose qui choque est que tous ces événements sont mis sur le même pied… alors que ceux de Forest ne comportent aucun caractère meurtrier, à la différence des autres.
Et pourtant, ce sont bel et bien les révoltes de Forest qui vont être l’élément décisif pour la mise en place des contrats de sécurité. Car cette révolte a été traitée, dès le début, comme un acte criminel et c’est toute la population du quartier qui l’a vécue comme telle"
"C’est en effet Louis Tobback, alors ministre SP de l’Intérieur qui lance officiellement les contrats de sécurité et de prévention en mars 1992. C’est un libéral bon teint, Jacques Simonet, alors président de la Région Bruxelloise, qui rappelle qu’« un contrat de sécurité doit s'articuler autour d'un double objectif. Assurer une plus grande présence visible des forces de l'ordre, via le recrutement de policiers et de civils qui libèrent les forces de l'ordre des contraintes administratives."
"Le message à la jeunesse est clair : il faut l’encadrer car elle recèle de futurs délinquants. Son père, Henri Simonet, socialiste lui, a bien éduqué son fils. Comme bourgmestre PS d’Anderlecht, il déclarait, lors d’une séance du conseil communal en mai 1982 : « Comme chef de la police d’Anderlecht, je dois assumer mes responsabilités. Pour résoudre le problème des étrangers, il est nécessaire de réfléchir et d’utiliser la répression, surtout contre les étrangers de la seconde génération, qui constituent une nouvelle sorte de prolétariat."
"Joseph Michel (PSC), alors ministre de l’Intérieur, « parlait ainsi des immigrés «non CEE» dans une interview : «Je ne puis les qualifier autrement que de barbares.."
"Charles Picqué, PS, alors ministre-président de la Région bruxelloise adresse une lettre à son compère politique, Valmy Féaux, ministre-président de la Communauté française, pour lui demander une intervention contre les radios arabes libres. Il la justifie en ces termes : « Insidieusement, des appels à une nécessaire mobilisation des masses arabo-musulmanes contre l’impérialisme américain et occidental risquent de précipiter dans les rues bruxelloises des populations maghrébines abusées par des manipulations extrémistes et irresponsables. Le souvenir de la manifestation d’avril 1986, qui a suivi le bombardement américain de tripoli reste vivace et les conséquences d’une pareille manifestation seraient néfastes, et surtout pour les populations d’origine maghrébine »
Bonjour, Nadine (Commentaire de Ouardia Derriche
RépondreSupprimerJ'ai lu ton analyse avec beaucoup d'intérêt et de plaisir car j'y ai retrouvé de nombreux éléments de ma propre réflexion.
J'ajouterai un élément à ton analyse:les politiques de contrôle et de répression mises en oeuvre dans les quartiers populaires ont permis dans leur sillage l'émergence d'une petite " élite" sortie de ces quartiers qui a fait une carrière politique locale et régionale, voire nationale sans jamais avoir tenté d'infléchir et encore moins de s'opposer à ces politiques. Il n'est pas interdit de penser que le fait a beaucoup joué dans le ressentiment de la jeunesse de ces quartiers et dans sa dépolitisation.
Amitiés,
Ouardia
Je serai encore plus précise sur l'émergence de cette petite élite: les contrats de sécurité ont permis l'engagement de dizaines de jeunes belgo-marocains bombardés "animateurs" dans leurs quartiers et la subsidiation de dizaines de "maisons de jeunes" et autres centres occupationnels destinés exclusivement aux jeunes belgo-marocains et employant quasi exclusivement des belgo-marocains qui ne se sont pas trop posé de questions sur le rôle qu'on voulait leur faire jouer, beaucoup de ces "animateurs" de quartier (exclusivement des hommes) sont devenus des hommes politiques qui se sont constitué, grâce à ces structures financées par les contrats de sécurité, un réservoir inépuisable de voix électorales en se gardant bien évidemment de critiquer le système mis en place dans ce cadre sécuritaire et s'en faisant donc complices. Il ne faut pas être dupe... Ces hommes politiques d'origine marocaine ne couperont pas la branche sur laquelle ils sont assis.
SupprimerDeux réflexions. Si les revendications des jeunes forestois en 1991 avaient réellement été anti-impérialistes, on n'en serait pas là, c'est pas très honnête de laisser croire que ces jeunes avaient une conscience politique, la vraie genèse des associations belgo-marocaines, c'est ici http://suffrage-universel.be/be/bemima02.htm. Deuxièmement, les contrats de sécurité ont permis l'engagement de dizaines de jeunes belgo-marocains bombardés "animateurs" dans leurs quartiers et la subsidiation de dizaines de "maisons de jeunes" et autres centres occupationnels destinés exclusivement aux jeunes belgo-marocains et employant quasi exclusivement des belgo-marocains qui ne se sont pas trop posé de questions sur le rôle qu'on voulait leur faire jouer, beaucoup de ces "animateurs" de quartier (exclusivement des hommes) sont devenus des hommes politiques qui se sont constitué, grâce à ces structures financées par les contrats de sécurité, un réservoir inépuisable de voix électorales en se gardant bien évidemment de critiquer le système mis en place dans ce cadre sécuritaire et s'en faisant donc complices. Il ne faut pas être dupe... Ces hommes politiques d'origine marocaine ne couperont pas la branche sur laquelle ils sont assis.
RépondreSupprimerLorsque je veux exprimer ma révolte concernant nos politiciens obsolètes, réactionnaires, dénués d'imagination, mesquins, médiocres, fascistes, aveugles, menteurs, abuseurs, gestionnaires à la petite semaine, j'ai l'impression que ma gorge n'a pas une section suffisante pour permettre son débit. Alors, elle s'enraye et ne lâche que des phrases trop creuses. Et je me laisse convaincre que peut-être je noircis le tableau et que mon cerveau vieillissant rabâche et tourne en boucle. Et comme cela, je me laisse anesthésier dans une liquide tiède et visqueux, vaguement sucré. Je viens de prendre un giclée d'eau fraîche et pure. Merci, Nadine.
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