Du fond de la Méditerranée ou échoués sur ses plages, les migrants nous interpellent.
Ce sont les
vacances. Pour beaucoup d’entre nous, la Méditerranée est la destination rêvée,
et facile à atteindre. Pas besoin de visa, ou alors facile à obtenir, un ticket
d’avion low-cost, et nous voilà en
route pour le plaisir.
Pour des milliers de gens venus d’Afrique, c’est le
passage obligé vers un avenir meilleur. Un passage obligé et éminemment
dangereux. Pas de possibilité d’obtenir le visa, et dès lors, pas non plus de
billet d’avion. Le recours aux passeurs, bien plus chers que le billet première
classe d’une bonne compagnie aérienne, fait partie du chemin.
Et voilà
que les plages recherchées par les touristes deviennent les tombes d’hommes, de
femmes et d’enfants, assassinés pour avoir fui la misère et chercher le travail
ailleurs.
La misère
de leur pays, que cela nous plaise ou non de l’envisager, crée l’opulence des
nôtres. Si nous ne profitions pas du prix maintenu bas des matières premières,
du pillage des sols africains, de la présence militaire européenne qui préserve
« notre mode de vie « (je viens d’entendre les discours français de
ce 14 juillet tout entier dédié à la gloire militaire), nous ne pourrions pas
nous offrir la plupart des objets que nous consommons sans y réfléchir, que nous
jetons ou revendons (écologie oblige) dès qu’un nouveau modèle nous est imposé par
une publicité omniprésente.
Si les
migrants arrivés ici ne contribuaient pas très largement à aider leur famille
restée au pays, nous devrions consacrer plus d’impôts publics à la soi-disant
aide au développement (qui, soit dit en
passant, sert plutôt à prévenir les révoltes populaires qu’à vraiment
développer l’économie de ces pays). Donc plus d’impôts.
Si nos
personnes âgées dans les homes ne pouvaient pas bénéficier du travail d’aides-soignants
et d’aides-soignantes venu(e)s d’Afrique sub-saharienne, nous devrions payer
plus pour leur entretien ou tout simplement les garder chez nous. J’ai enseigné
à de futures aides-soignantes africaines, et ce qui m’a le plus blessée, c’est
que ces femmes rêvent de pouvoir exercer ce métier dans LEUR pays, en restant
proches de LEURS parents âgés.
Il faudra
bien un jour que nous prenions conscience de ces réalités et que nous cessions
de mener au pouvoir des gouvernements, et une opposition, qui acceptent à la
fois les causes de la migration et la persécution des migrants. Qui discutent des
quotas à accepter et des « critères objectifs » pour justifier
les refus et les renvois par charters. Qui reculent chaque jour devant la
montée de l’extrême-droite au nom du réalisme politique.
C’est une
question de société essentielle, si pas « la » question, qui englobe
toutes les autres parce qu’elle a trait à notre conception de l’égalité, de la
liberté et de la fraternité telle qu’elle devrait être formulée par les peuples
et non par les multinationales et leurs marionnettes politiques.
Je voudrais
terminer en rendant hommage à Chamseddine Marzoug, ce pêcheur tunisien, qui
paie de sa poche et de son travail, une sépulture digne aux migrants échoués
sur les plages. Comme d’habitude, ce sont les plus pauvres qui aident les plus
pauvres, car des plus nantis, nous n’avons rien à attendre.
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